Interview Uncover avec Pierre Zumwald, directeur général des Rentes Genevoises

Depuis 20 ans, Pierre Zumwald a fait des Rentes Genevoises un pilier de la prévoyance à Genève, doublant le bilan et triplant le volume d’affaires grâce à une stratégie audacieuse et une digitalisation maîtrisée. Avec L’Annexe, il va plus loin, créant un espace pour sensibiliser les jeunes à la prévoyance, animé par de jeunes talents engagés. Dans l’interview Uncover du mois, Pierre partage son parcours, ses choix stratégiques, et explique pourquoi il est essentiel pour les entrepreneurs d’intégrer une réflexion sur la prévoyance dès que possible.

1. Après 20 ans à la tête Rentes Genevoises, quel regard portez-vous sur cette entreprise que vous avez véritablement transformé au cours des années. Quels défis avez-vous rencontrés et quelles stratégies avez-vous mises en place pour faire des RentesGenevoises un acteur incontournable de la prévoyance à Genève ?

P.Z. Le premier défi a été de comprendre l’Etablissement puisque j’ai repris les Rentes Genevoises au pied levé. Après quelques semaines j’ai proposé un plan de transformation au Conseil d’administration qui l’a accepté. Les Rentes Genevoises sont le premier et le plus ancien établissement de prévoyance de Suisse. Elles avaient pour elles l’histoire mais souffraient d’un déficit d’image. J’ai travaillé trois axes (qui étaient de vrais défis) : la stratégie de développement de l’Etablissement avec la gouvernance qui permettait de la soutenir, le repositionnement de la marque et le développement des compétences. Cela a permis les dix premières années de doubler la taille du bilan, de tripler le volume d’affaires et de digitaliser le métier d’assurance sans augmenter le nombre d’employés. Nous avons souvent été audacieux pour une petite équipe, mais ça a toujours payé.

Pour être plus concret, les Rentes Genevoises ont une particularité, c’est la rente viagère garantie. Nous avons développé une stratégie de type « Océan bleu » (blue ocean strategy) qui permettait de se positionner comme leader sur ce segment tout en proposant des produits compétitifs sur les autres segments, mais en gardant notre ADN. Nous avons très vite adopté des approches par scénarios pour construire notre stratégie et maintenu à haut niveau les compétences de tous les talents afin de rester « état de l’art ». Nous avons finalement toujours privilégié la continuité dans les méthodes en les modernisant lorsque cela était nécessaire. Ce qui implique une veille performante sur les méthodes, les outils et les tendances. Sur le plan de l’organisation, nous avons une structure plate, des Talents répartis en deux catégories : les cadres et les collaborateurs. Tout l’Etablissement est ensuite organisé en processus et procédures. Personne n’a de cahier des charges, tout est documenté dans des outils en ligne. Le comment est plus important que le quoi, c’est à ce niveau-là que l’on peut agir pour améliorer.

2.  Qu’est-ce qui vous a inspiré à lancer L’Annexe ? Quelle a été l’étincelle derrière l’idée de créer un espace spécialement dédié à la sensibilisation des jeunes à la prévoyance ?

P.Z. La compréhension du monde dans lequel on vit… Il est étrange qu’avec les moyens d’information que nous avons (internet, etc.), et les jeunes encore plus puisqu’une partie d’entre eux sont nés avec ça, on constate un vide dans la connaissance alors que c’est un sujet qui touche et nous concerne toutes et tous. L’hypothèse a été posée que ce qui manquait était l’approche pédagogique. Sans que ce soit une critique, il est important de constater que dans de nombreux cursus, l’éducation civique avec tout ce que cela implique, est absente des programmes d’études. Comprendre les institutions, voter, payer des impôts, payer des assurances sociales, comprendre à quoi cela sert, comprendre sa place dans la société, etc. Vous me direz, c’est le rôle des parents, cela fait partie de l’éducation qu’ils doivent leur apporter… Pourquoi pas. Mais le constat du vide de connaissance est le même. Nous ne comptons ni révolutionner le système scolaire, ni donner des leçons d’éducation. Nous voulons proposer une manière différente d’aborder cela en amenant les jeunes soit à s’intéresser au sujet soit répondre aux questions qu’ils se posent déjà. Quelques amis me relataient l’expérience qu’ils avaient vécus avec leurs enfants qui découvraient leur première fiche de paie et qui ne comprenaient pas toutes les lignes qui y figuraient. Ces enfants avaient la chance d’avoir des parents qui pouvaient expliquer cela sur la forme mais aussi sur le fond. Nous ne serons jamais ces parents, mais aujourd’hui, il y a une place à prendre pour aider les jeunes à entrer dans le monde du travail et à expliquer à quoi sert ou servira les cotisations prélevées… et surtout à réfléchir s’il faut faire plus… On apprend aux enfants à gérer leur argent de poche… Nous avons l’ambition de leur apprendre à comprendre et à gérer leur prévoyance.

3. Vous nous avez approchés il y a quelques mois pour rencontrer des Pulsé-e-s d’horizons divers, puis les engager, afin qu’ils deviennent les premiers contacts de L’Annexe. Pourquoi avoir choisi cette approche et comment ce choix de confier la gestion de ce lieu innovant à des jeunes entrepreneurs reflète-t-il votre vision de la prévoyance ?

P.Z. S’il est possible de tout apprendre sur le web, il y a toutefois des domaines qui nécessitent de l’échange et du partage, où il est nécessaire de construire sa connaissance pas à pas. La prévoyance en fait partie. Il fallait donc repenser la manière d’aborder cela pour les jeunes. Beaucoup de projets naissent d’une approche en équipe, du coworking. C’est ce que nous avons créé, un espace de coworking dédié à la prévoyance. Le choix de travailler avec de jeunes entrepreneurs était évident à mes yeux. Le choix s’est en effet porté sur de jeunes entrepreneurs avec des salariés. Qui mieux qu’eux pouvaient expliquer la prévoyance en se basant sur leur expérience, même si elle est moins étendue qu’un spécialiste en prévoyance qui a 50 ans ? Il a bien entendu fallu les former car la prévoyance a de multiples facettes.Partager son expérience et expliquer à un jeune de son âge comment cela fonctionne, pourquoi l’envisager le plus tôt possible, sont deux choses différentes. Travailler à temps partiel à L’Annexe est également une magnifique opportunité pour les jeunes entrepreneurs de faire une autre expérience, d’être confronté à des nouvelles problématiques, à apprendre la collaboration avec des entités tierces, à imaginer des réponses nouvelles à des questions récurrentes, à animer un espace en centre-ville. Les jeunes entrepreneurs ont en effet une grande autonomie dans ce défi.

4. Pourquoi est-il essentiel, selon vous, que les jeunes qui se lancent dans l’entrepreneuriat intègrent une réflexion sur la prévoyance dans le développement de leurs projets ? Quels bénéfices peuvent-ils en tirer pour sécuriser à la fois leur avenir personnel et la pérennité de leur entreprise ? 

P.Z. Cela fait plusieurs dizaines d’années que je m’occupe de startup et les faiblesses constatées au démarrage sont souvent les mêmes, notamment : une connaissance insuffisante du modèle économique de l’entreprise, y compris la comptabilité, et le « sacrifice » de l’entrepreneur qui ne se paie pas de salaire. Je prends souvent comme exemple les indications de sécurité dans les avions. Il est demandé de mettre d’abord son masque puis de s’occuper des autres. Une entreprise c’est la même chose. Elle ne vivra que si l’entrepreneur est en forme et est capable d’agir, dans tous les domaines. Il faut s’occuper de soi pour pouvoir s’occuper des autres. La prévoyance n’est pas un but mais un moyen. C’est un état d’esprit qui permet de mesurer le risque que l’on veut ou que l’on peut prendre. Nos jeunes entrepreneurs le verront dans quelques années, lorsque leur entreprise aura pris de l’ampleur : la caisse de pension et ses perspectives font partie des discussions lors de l’embauche et, dans certains cas, peuvent être déterminantes. Cela fait partie de la responsabilité de l’entrepreneur de prendre soin de son personnel. Leur assurer des perspectives d’avenir, notamment sur le plan de la prévoyance, en fait partie.

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