Interview Uncover avec Daniel Rossellat, fondateur et président du Paléo Festival

Le divertissement est au cœur de notre thématique du mois de juin, et quel meilleur terrain d’exploration que le Paléo Festival qui approche à grands pas ? Depuis 1976, ce rendez-vous incontournable fait vibrer des milliers de festivaliers, tout en innovant sans cesse pour surprendre et embarquer son public toujours plus loin. La HES-SO est d’ailleurs partenaire à l’innovation du Paléo Festival depuis 2010 et participe au Paléo Festival depuis 2005. Son but, innover à chaque édition avec une thématique différente, une scénographie détonante construite par des étudiant·es du Domaine Ingénierie et Architecture et habitée par des projets-animations imaginés par des étudiant·es réuni·es en équipes interdisciplinaires.

Nous avons pu échanger avec Daniel Rossellat, le fondateur et directeur visionnaire qui orchestre cette machine à rêves et à musique depuis ses débuts. Au programme : comment le festival se transforme en véritable laboratoire d’idées, ses motivations profondes, la collaboration avec la HES SO, et surtout, sa vision inspirante du Paléo du futur.

1. À 19 ans, vous avez organisé votre premier concert, et aujourd’hui vous êtes à la tête du plus grand festival de Suisse. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette aventure et qu’est-ce qui continue de vous passionner dans ce rôle ?

D.R. À l’époque, les festivals étaient encore balbutiants. On entendait ici et là des histoires mythiques d’événements historiques, comme Woodstock. C’est dans ce contexte que je me lance, avec conviction et humilité. Mes compères et moi avons eu le privilège d’inventer nos métiers. À l’époque, organisateur de festival ce n’était vraiment pas commun. Nous avons toujours été motivé par la passion plus que par une logique économique. Le souhait d’offrir une expérience collective marquante, un moment de partage musical et festif. L’aspect humain, sa densité dans l’expérience de Paléo, est central et tant que cette magie opère, on ne s’en lasse pas.

1. Le Paléo est devenu un véritable laboratoire d’idées où de nombreux projets innovants émergent chaque année. Comment accompagnez-vous ces initiatives entrepreneuriales pour qu’elles se concrétisent et apportent une forte valeur ajoutée au festival ?

D.R. En étant à l’écoute de son public, ouvert à la remise en question, et en travaillant toute l’année au service de l’événement qui dure 6 jours.

L’histoire du Paléo, c’est celle de passionnés qui ont osé. Aujourd’hui, on continue à cultiver cet esprit en laissant une place à ceux qui ont des idées, et ne pas avoir peur de se tromper. L’important, c’est que l’innovation ne soit pas simplement une posture, mais qu’elle améliore réellement l’expérience. Elle se veut tangible que ce soit au niveau du confort, du lien social, ou de la durabilité. Paléo repose sur un immense réseau d’entreprises, et catalyse énormément d’expertises, de compétences, d’idées. En entretenant ce réseau et étant ouvert aux propositions, on stimule un cercle vertueux qui nous pousse à évoluer. Il faut se poser les bonnes questions et éviter la complaisance avec soi-même : est-ce que ça enrichit l’expérience du public ? Est-ce que ça nous rend collectivement plus intelligents, plus responsables ?

3. Depuis 2005, la HES⁠-⁠SO est partenaire à l’innovation du festival, avec une participation active depuis 2010. Entre structures monumentales, performances étudiantes et dispositifs interactifs, on a presque l’impression que le Paléo devient un terrain d’expérimentation à ciel ouvert. Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette rencontre entre jeunes talents, recherche appliquée et terrain artistique, et comment ces échanges nourrissent-ils l’ADN créatif et innovant du festival ?

D.R. Ce partenariat avec la HES⁠-⁠SO est enthousiasmant. Il illustre parfaitement ce que l’on cherche à faire : ouvrir le festival à des idées neuves, à une réflexion de fond sur notre société, et vivre quelque chose d’unique qui inspire. Ce qui me touche, c’est la fraîcheur et la pertinence des propositions. La HES-SO et ses étudiants ont cette capacité remarquable, d’année en année, de se réinventer. Ils et elles ont complètement compris l’esprit de Paléo : un espace artistique et social de liberté, de test et d’échange. C’est un dialogue vraiment passionnant, qui se poursuit depuis 20 ans.

4. Le divertissement aujourd’hui dépasse souvent la simple distraction : il interroge notre société, nos modes de vie et nos aspirations. Selon vous, quel rôle un festival comme le Paléo peut-il jouer face à ces enjeux ? Comment l’innovation contribue-t-elle à proposer un divertissement à la fois captivant et porteur de sens ?

D.R. Un festival repose sur des valeurs tout en aspirant à offrir une utopie. Un événement comme Paléo, qui rassemble tellement de personnes différentes, de tous âges et de tous milieux, est une caisse de résonance de notre époque. On veut que les gens s’amusent, bien sûr mais aussi qu’ils participent, qu’ils échangent. L’innovation, dans ce cadre, est au service de cette intensité : elle peut amplifier l’émotion, améliorer l’expérience. C’est pour ça qu’on est très attentifs aux projets qui ont une réelle plus-value sociale ou environnementale, que ce soit dans le cadre de Paléo ou l’association Equileo, que nous avons fondé pour soutenir les structures socioculturelles de la région.

5. Vous avez mis en place des mesures fortes en matière d’écoresponsabilité, comme la vaisselle lavable et la gestion des déchets. Comment ces innovations s’inscrivent-elles dans la stratégie globale du festival et quelles prochaines étapes imaginez-vous pour renforcer cet engagement ?

D.R. La durabilité est au cœur de l’action de Paléo. Notre premier tableau de bord environnemental remonte aux années 90, une époque où peu de personnes se souciaient de cet enjeu. En tant que plus grand festival de Suisse, c’est évident que nous avons une responsabilité et un devoir d’exemplarité. Notre position nous oblige, mais est aussi une opportunité. Nous considérons le Festival comme un laboratoire, au sein duquel nous testons énormément de projets, qui peuvent être ensuite répliqués par d’autres. Je pense notamment aux gobelets consignés en 2009 déjà, ou l’alimentation en courant vert à 100% depuis 2006. Nous nous projetons également dans l’avenir, avec de nombreux projets à l’étude, tel que l’alimentation solaire du festival, un chantier qui débutera prochainement, ou l’ouverture cet été de la première laverie à gobelet de la région en partenariat avec Ecomanif. Nous souhaitons encore renforcer l’économie circulaire, poursuivre le développement de notre offre de transports en commun… Un nouveau bilan carbone est en préparation pour l’édition 2027, qui nous aidera à hiérarchiser les priorités pour l’avenir.

6. Vous approchez de la 50e édition, mais imaginez que l’on vous transporte d’un bond à la 100e. À quoi ressemblerait alors le Paléo Festival du futur ? Quelles folies inventeriez-vous pour que ce festival continue d’émerveiller et d’emmener son public au-delà de l’imaginable ?

Si nous voulons que Paléo existe dans 50 ans, il faudra rester fidèle à nos valeurs. Tant que notre boussole est réglée sur les fondamentaux de l’événement, on peut être modérément optimiste, malgré un contexte économique relativement défavorable pour les organisateurs. Les évolutions futures doivent intégrer la durabilité bien sûr : peut-être qu’on se rendra à Paléo en train solaire, qu’on y dormira dans des bulles connectées, que les écrans géants seront immersifs… Mais ce qui est absolument indispensable, c’est de préserver l’aspect réel et tangible du Festival, ne pas céder aux sirènes du tout digital. On sent que le contact, la dimension collective correspond aux attentes de notre public.

Des questions ?

Voir la F.A.Q